LES
COMPTABILITES INFORMATISEES
Nous publions ici une décision qui met en évidence les risques qu'il existe à
modifier les écritures informatiques d'une comptabilité, ou d'intervenir sur les
fichiers afin de corriger ou supprimer des écritures validées.
Délits informatiques
Rectification de la comptabilité
Rectifier des écritures erronées dans une comptabilité informatisée
constitue non seulement une transgression des règles comptables mais également un délit
informatique qui peut conduire à des sanctions pénales. Cass. crim. 8 décembre 1999,
pourvoi 98-84.152
Anomalies découvertes dans une comptabilité informatisée
Résultats dune expertise comptable
À la suite dun détournement de fonds réalisé par un de ses salariés,
aide-comptable, une chambre de commerce et dindustrie saisit un juge
dinstruction, lequel fait effectuer une expertise de la comptabilité. Outre le
détournement de 800 000 F, lexpertise met en lumière certaines anomalies pour les
quelles une qualification pénale est moins évidente
la comptabilité informatisée de la chambre de commerce permet de supprimer ou de
modifier les écritures comptables validées
des bandes magnétiques de cassettes destinées à la sauvegarde de données
informatiques ont été découpées
plus de 300 écritures manquent sur la liste des opérations éditées à titre
croissant.
Anomalies rendues possibles par lutilisation dun programme
spécifique
Interrogé, le chef comptable indique quà la suite de
dysfonctionnements, il a reçu du fournisseur du logiciel un programme permettant
dintervenir sur le contenu des données et notamment celles de lhistorique.
Il lui est quelquefois arrivé, reconnaît-il, dutiliser ce programme pour modifier
des écritures qui sétaient révélées erronées. En revanche, il nie être pour
quoi que ce soit dans la dégradation des bandes et la disparition des 300 écritures.
Condamnation du salarié responsable de la comptabilité
Délit informatique reproché
Le chef comptable est poursuivi au titre de larticle 323-3 du code pénal «le fait
dintroduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé
ou de supprimer ou de modifier frauduleusement les données quil contient est puni
de trois ans demprisonnement et de 300 000 F damende».
Sanction du chef comptable et dédommagement de lemployeur
Les juges prononcent une amende de 10 000 F à lencontre du chef comptable; la
chambre de commerce obtient 30 000 F de dommages et intérêts en invoquant les frais
quelle a été contrainte dengager pour reconstituer sa comptabilité.
Peu importe labsence dintention de nuire du salarié
Arguments du chef comptable
Le chef comptable forme un pourvoi et se défend davoir « modifier frauduleusement
des données informatiques» ; il na fait que rectifier des erreurs matérielles
commises lors de la saisie. Le chef comptable soutient dailleurs quun tel
délit ne vise que les tiers et ne peut pas être reproché à lutilisateur même du
logiciel.
Position de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi «le seul fait de modifier ou de supprimer, en
violation de la réglementation en vigueur, des données contenues dans un système de
traitement automatisé caractérise le délit prévu à larticle 323-3 du code
pénal, sans quil soit nécessaire que ces modifications ou suppressions émanent
dune personne nayant pas un droit daccès au système ni que leur auteur
soit animé de la volonté de nuire».
Sanction pénale du non-respect des règles comptables
Linstruction na pas permis délucider quel était lauteur de la
dégradation volontaire des bandes magnétiques de sauvegarde, le chef comptable ayant
nié, sans être contredit par rien ni personne, avoir commis ces faits.
Seule restait établie par ses propres aveux la suppression dans lhistorique de
quelques écritures. Cet élément a justifié, à lui seul, la condamnation prononcee en
application de larticle 323-3 du code pénal, les juges considérant que:
une écriture comptable introduite dans un système automatisé devient une donnée
informatique
la fraude tient non pas à une volonté de nuire (comme dans le cas de
lintroduction dun virus) mais au non-respect des principes comptables.
Ce raisonnement conduit à sanctionner le non-respect de la règle comptable (elle-même
dépourvue de sanction spécifique) selon laquelle une écriture erronée ne peut être
modifiée mais doit être rectifiée par une autre écriture.
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